
Lorraine, randonneuse au long cours solo : « C’est fou de voir l’énergie que peuvent nous transmettre les autres »
5 décembre 2022
Documentaire RTS sur la Grande Traversée des Alpes
26 janvier 2024S’il se lance sur la Grande traversée des Alpes, c’est d’abord pour accompagner Julia, qui a cette idée en tête depuis longtemps. Jean-Baptiste, lui, voulait faire le tour du monde. Finalement, il fait le bon choix, la GTA est une révélation. Tellement conquis par son expérience de la marche en montagne, il publie un livre « Le bonheur est le chemin », un témoignage riche et inspirant.
La GTA était elle ta première expérience de la grande itinérance ?
Pendant mes études d’ingénieur, j’avais fait la partie sud du GR20 pendant 7 jours avec des amis. J’étais aussi partie marcher 5 jours en itinérance dans le Cantal et dans les Pyrénées. Mais 30 jours en itinérance, c’était une première pour moi ! D’ailleurs, je me demandais bien si j’allais réussir à finir cette randonnée…
Quelle était ta motivation de départ ?
Il y a maintenant 3 ans, quand j’ai rencontré Julia, ma copine, je lui ai tout de suite dit que je voulais faire un tour du monde. Elle était d’accord.
« Puis elle m’a partagé son rêve de rejoindre ses deux lieux de cœur : Lausanne où elle a vécu 10 ans et Nice, sa ville natale, où elle a vécu jusqu’à ses 18 ans. Pas à cheval. Pas en vélo ! Mais à pied ! Je trouvais ça dingue dans le bon sens du terme ! »
Ma principale motivation était donc de l’accompagner dans ce périple de la Grande Traversée des Alpes.
Puis en préparant la randonnée, j’y ai trouvé des motivations personnelles :
- Le dépassement physique et mental
- Tester la solidité de mon couple
- La recherche du bonheur et de l’apaisement

Départ de Saint-Gingolph
Quels ont été les moments forts de ta traversée ?
- Le 3ème jour, sur l’étape entre Lenlevay et le col de Golèse, un orage s’est levé subitement. Nous savions qu’il fallait qu’on trouve vite un abri. Par chance, nous avons aperçu un chalet fermé par une simple grille. Nous sommes entrés. Il y avait un endroit parfait : un porche au sec. Abrité sous le porche, nous avons admiré l’orage. Puis nous avons dormi là. Ce souvenir me marque encore.

A l’abri pendant l’orage
- Nous avons eu un début de GTA pluvieux, alors j’étais fou de joie lorsque j’ai franchi officiellement le sud. Le panneau symbolique de la démarcation permet de se remémorer la distance déjà parcourue, tout en réalisant ce qu’il reste à parcourir.
- Jour 6, juste avant le Col du Brévent, on croise un randonneur dans l’autre sens qui nous dit qu’on ne verra pas le Mont Blanc. Son visage affiche un air déçu… Avec Julia et Virginie, une randonneuse sympa qui nous accompagne, on est triste de louper ça. Quand on arrive enfin au col, les nuages qui cachent le mont blanc sont soufflés par le vent. Je jubile devant la beauté du paysage !

Juste avant le Col du Brévent
As-tu une anecdote que tu aimes particulièrement raconter ?
A la Plagne Tarentaise, au lieu-dit des Fours, on arrive assez tard le mardi 13 juillet. Nous sommes 6 co-aventuriers à marcher ensemble. On ne sait pas trop où bivouaquer mais on est tous fatigué. On aimerait donc s’arrêter. Sauf qu’il n’y a que des chalets privés… on ne veut pas manquer de respect aux propriétaires. On avance quelques pas puis on aperçoit une voiture garée devant un chalet. On s’avance jusqu’au chalet. Un homme sort. On engage la discussion timidement. Le monsieur, un dénommé Jo, a en réalité le cœur sur la main. Il accepte de nous accueillir sur le terrain. En plus, il passe un moment avec nous et nous offre même du génépi maison ! Le meilleur que j’ai bu jusqu’alors.
« C’était un magnifique moment de partage avec mes amis randonneurs en plus d’être une démonstration de l’hospitalité humaine. »

Moment de partage
Quelles rencontres as-tu fait en chemin ?
Il y a eu tellement de rencontres magnifiques. Antoine qui a presque toujours été à nos côtés ! Virginie sans laquelle ma blessure n’aurait pas été guérie. Joeffrey et sa bonne humeur. Théo le magicien. Quentin, Camille… les sportifs avec le cœur sur la main. Et peut-être une jeune femme rencontrée la première semaine… Quand je l’ai croisée, j’ai eu une brève discussion avec elle. Elle était à la fin de son GR. Je lui ai demandé comment elle se sentait.
« Elle m’a simplement répondu : “Apaisée”. C’est bel et bien la sensation que le GR procure avec la marche, ses paysages, la déconnexion, le minimalisme, le silence. »

Les rencontres faites en chemin
Quel est le coup de cœur de ta traversée ?
Alala… ma réponse est simpliste mais je dirai la montagne 🙂 Elle est si belle. Tout au long du GR, on la contemple de jour comme de nuit, avec soleil et pluie, envahie par le monde puis déserte. C’est ça la magie. Si je devais citer un exemple concret, c’est notre arrivée dans le cirque de Sixt Fer à Cheval. On y entre en fin d’après midi, l’endroit est totalement désert car il pleut. On a l’impression d’être seul au monde, dans l’une des scènes grandioses du Seigneur des Anneaux. Le GR nous permet de faire un truc qu’on ne ferait pas instinctivement : marcher sous la pluie. Car on n’a pas d’autres choix que d’avancer chaque jour, sinon la traversée prendrait des mois. Sous l’apparence d’une contrainte, cela crée en réalité davantage de magie.

Bivouac
Quels ont été les moments difficiles ?
Ma tendinite m’a gêné plusieurs fois. J’ai forcé au début, sans m’en rendre compte. Je n’avais pas l’impression d’aller vite. Pourtant, ma fragilité au tendon du quadriceps s’est réveillée et m’a mené la vie dure pendant la première moitié du GR. A plusieurs reprises, j’ai failli arrêter. Puis à l’aide de personnes extraordinaires, de prise de conscience vis à vis de mon corps, et d’humilité, j’ai pu finir le GR. Le plus difficile n’est pas la douleur. C’est le fait de se sentir bien dans les sentiers, d’avoir le mental qui suit, mais de sentir le corps qui ne suit pas.
Autre moment difficile : quand j’ai subi une insolation. J’étais incapable de continuer la randonnée. Nos amis sont partis devant et nous ne les avons pas recroisés avant la fin. J’ai eu du mal à les laisser partir devant : question d’ego sans doute. Mais aussi parce que j’appréciais marcher avec eux. Heureusement que Julia était là et m’a toujours soutenu.
Enfin, je dirai que la marche avec son compagnon de vie est à la fois chouette et difficile. Chouette car cela permet de créer une relation plus forte et d’avoir une personne avec qui partager ses sentiments, joies et peines. Mais difficile aussi… Une fois, j’étais en pleine forme et Julia se sentait mal. Ça m’énervait de devoir l’attendre. A d’autres reprises, c’est Julia qui m’attendait. Et ça l’énervait ! Ceci dit, avec le recul, je me demande si j’aurais terminé le GR sans elle. Je pense que non. Déjà, je n’aurais jamais entrepris cette aventure de moi même. Donc merci à elle !!!

Insolation…
Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite se lancer ?
Je ne suis pas un pro de la montagne ^^
Mais voici ce que je dirai :
- Avoir une condition physique minimale, tout en ayant conscience que cela ne garantit pas le succès. Des fragilités enfouies se réveillent avec la rudesse de la marche sur le long terme. Il est différent de marcher 2 jours ou de courir 2h et de marcher 30 jours.
- Y aller avec humilité, même si vous êtes habitué à la montagne, et même si vous êtes sportifs.
- Vous procurer un buff. C’est le joker de notre randonnée. Vous pouvez le mettre sur la tête comme un bonnet s’il fait froid, comme une casquette s’il fait chaud, comme une écharpe et comme un cache yeux pour mieux dormir.
Tu as écrit le Bonheur est le chemin suite à ta traversée, que souhaites tu partager avec ce livre ?
Mon but est de témoigner. Simplement. Je ne peux pas affirmer que tous ceux qui feront la traversée vivront la même chose que moi. Mais ce que je peux affirmer, c’est que, pour moi,
« Passer 30 jours dans les Alpes a été le meilleur choix de ma vie. Je n’ai jamais été si heureux, apaisé, joyeux que lors de ces 30 jours. J’ai vécu des émotions fortes, j’ai rencontré des gens fabuleux, j’ai “vu” la montagne, j’ai déconnecté, je me suis rendu compte que je pouvais vivre avec pas grand chose. »
Je me suis baigné dans l’eau froide, je me suis endormi avec le soleil, je me suis réveillé en voyant un bouquetin brouter de l’herbe. Mon ami Antoine Mercier, auteur du blog Bivouac Therapy parle justement de la grande itinérance comme la plus belle des thérapies. Je le rejoins sur ce point. Si je voulais parler de truc à la mode, je dirai que c’est une “digital detox” parfaite. L’autre chose, c’est la phrase du titre : Le Bonheur est le Chemin. Avant de faire la GTA, je me disais “Oh qu’elle est gnangnan cette phrase!” Et puis j’ai compris la force de cette phrase jour 30 quand je l’ai vu gravée sur un rondin de bois proche d’une chapelle ! Ça a été une révélation ! Que la Montagne Vous Transforme 🙂
Jean-Baptiste Berthoux est l’auteur du livre “Le bonheur est le chemin”
Le livre est disponible dans notre boutique, une super idée de lecture avant de se lancer sur le GR5 !
Retrouvez également Jean-Baptiste sur son blog Novahuma

Arrivée à la mer




